Pourtant, toutes les sociétés disposent d’un mythe ou d’un corps de pensée symbolique qui justifie la suprématie des hommes aux yeux de tous ses membres. Quelles que soient les contrées, on retrouve ces inégalités entre les sexes qui privilégient le caractère supérieur supposé de la virilité masculine et le postulat d’une infériorité intellectuelle féminine, sans que ce ne soit jamais interrogé. Et cela commence dès la conception avec cette fusion entre l’ovule et le spermatozoïde, présentée comme rencontre entre une prétendue matière inerte et un principe actif. La profondeur de cet ancrage passe pourtant inaperçue aux yeux des populations qui s’y réfèrent. « Le discours de l’idéologie a partout et toujours toutes les apparences de la raison » (p.223). Ce qui relève toujours du social et de l’idéologie apparaît comme naturel et biologique.
C’est à partir de ce constat universel que Françoise Héritier nous invite à nous pencher sur ce qui ne se réfère pas à des mentalités archaïques ou à des modes de vie exotiques, mais bien à nos propres réactions, comportements et représentations contemporains. À côté de la prohibition de l’inceste, la répartition sexuelle des tâches, la forme appliquée d’union stable, c’est bien le rapport qu’entretiennent les sexes entre eux qui structure la société. Les différences existent. L’homme fait le choix de donner son sang quand la femme le perd pendant ses règles. L’homme prend la vie au cours des guerres, là où la femme la donne en enfantant.